L'agroécologie fait référence à l'un des systèmes de production alternatifs qui ont proliféré sur tous les continents. Elle renvoie sur un plan sémantique à l’idée simple d’écologisation des pratiques agricoles (Loconto & Fouilleux, 2019 ; Le Velly et al, 2023). Les mots « agroécologie » et « agroécologique » ont toutefois été mobilisés de manière hétérogène dans la littérature scientifique, dans le champ politique et dans les mouvements sociaux (Wezel et al., 2009 ; Bellon & Ollivier, 2018 ; Loconto & Fouilleux, 2019 ; Lamine et al., 2019). Encore non stabilisé, le concept est souvent positionné par rapport à celui d’agriculture biologique, les deux systèmes partageant un certain nombre de principes fondamentaux (FAO, 2018 ; Loconto, 2020). Notre recherche porte sur un aspect de l'agroécologie qui a reçu encore peu d’attention : les marchés des produits agroécologiques et les infrastructures de marché nécessaires pour assurer le fonctionnement des filières considérées (Le Velly et al., 2023) et garantir que la qualité "agroécologique" soit reconnue et valorisée dans les échanges commerciaux (Loconto et al., 2018). Pour les étudier, nous nous appuierons à notre tour sur une comparaison avec les marchés de l'agriculture biologique. Ces derniers s’appuient désormais sur un ensemble de dispositifs et d’institutions qui permettent aux producteurs de savoir quelles pratiques déterminent la qualité "biologique" et aux consommateurs de la reconnaître grâce à un label apposé sur l'emballage. A l’inverse, les dispositifs et institutions qui portent les marchés des produits agroécologiques sont assez assez fluides et diversifiés. Nous illustrerons cette diversité dans la présentation, et analyserons les liens entre organisations des marchés de l’AE, systèmes de garantie et pratiques agroécologiques sont multiples et complexes. Sur un plan théorique, deux questions peuvent être distinguées lorsqu’il s’agit des dispositifs de garantie de la qualité agroécologique (Balineau et Dufeu, 2010 ; Dufeu et Le Velly, 2016). Quels sont les attributs de qualité revendiqués par les labels de l'agroécologie (prescription) ? Comment les institutions du marché sont-elles construites pour garantir ces revendications (contrôle) ? (PGS, SPC, TPC, contrôle social). À l'aide de données provenant de trois pays, l'Argentine, le Brésil et la France (grant ANR-15-CE21-0006 ‘Institutionnalisation des agroécologies’), cet article montrera que les deux questions sont fortement liées en pratique. Pour décrire l'agroécologie, les acteurs de l’AE utilisent en effet des mots qui reflètent notamment les niveaux et les formes d'institutionnalisation selon les pays et les marchés considérés. Il existe plus précisément une corrélation forte entre le type de modèles d'assurance et les mots utilisés pour décrire l'agroécologie. Plus largement, la nature de infrastructures de marché (qui varie d’un pays et d’une filière AE à l’autre) détermine en partie le type de pratiques agroécologiques.